marieMarie a appris qu'elle n'était pas la fille de son père un midi du mois de juillet dans un restaurant du 3e arrondissement de Paris. Elle sentait depuis toujours qu'on lui cachait quelque chose, il y avait trop d'indices, des signes qu'elle avait du mal à interpréter, mais qui voulaient bien dire quelque chose. En l'apprenant elle a gardé le secret pour elle pendant plusieurs mois et puis elle n'a plus réussi à se taire, elle trouvait injuste d'être la seule à savoir.
Un an après elle se confiait à un proche, et la nouvelle s'est propagée, lui échappant, mais personne n'a pensé à lui demander ce qu'elle en pensait, ce qu'elle ressentait. Alors elle a cherché son père. L'a retrouvé. Puis perdu de nouveau. On ne peut pas forcer les gens à vous aimer. Depuis, Marie se bat pour raconter ces histoires d'identité, persuadée que certains secrets ne doivent pas être gardés, que tout peut se dire si on s’aime assez, que tout doit se dire si on veut se libérer du passé. |
J'avais appris que je n'étais pas la fille de mon père six ans auparavant, mais celle de cet inconnu qui venait de répondre laconiquement à mon message après des années de recherches. Réserver ce billet a été un tournant puisque j'ai eu pour la première fois le sentiment de m'approprier ce qu'on m'avait volé.
"Volé", parce que caché pendant tellement d'années mais pourtant enfoui dans les méandres de ma mémoire et affleurant régulièrement, au gré de signes impossibles à déchiffrer. Toute une partie de ma vie traversée en cohabitant avec ces pensées folles qui surgissaient sans prévenir, me persuadant, que l'on me cachait quelque chose, que ma propre famille me dissimulait une information me concernant. J'ai longtemps cru que j'étais folle. Déséquilibrée. Désaxée. J'ai tout essayé pour faire disparaître ces voix qui chuchotaient à mon oreille, m'interpellant : « et si on te cachait la vérité ? » Apprendre que je n'étais pas l'enfant de mon père à 29 ans a pulvérisé ma vie d'avant. J'ai tout remis en question, ce que je savais, ce qu'on m'avait appris. J'ai douté de tout. Y compris de ma propre réalité. Reconstruire mon identité à partir de cette révélation a replacé les pièces de mon puzzle familial à leur place; et puis, c'était la preuve que je n'étais pas folle. J'ai mis des mois à retrouver la trace de mon père: personne ne vous apprend à rechercher un père qui ne vous connaît pas. Jusqu'à ce message m'informant qu'il acceptait de me rencontrer. Pendant quatre jours, nous nous sommes retrouvés dans des bars d'hôtels ou des restaurants de musées, quatre jours pendant lesquels il n'a pas reconnu être mon père mais m'a raconté son histoire avec ma mère. « Et d'ailleurs, comment va-t-elle après toutes ces années ? » Et puis... « Comment as-tu su ? » Je savais... Au plus profond de moi-même, je sentais que quelque chose m'échappait. Il y avait cette fichue couleur de cheveux bien sûr. Blonde comme les blés. Comme personne avant moi. Comme personne aussi blonde que moi. Il y avait ça. Et il y avait tout le reste. Ce reste pour lequel il n'y a pas de mots. Uniquement des sensations, des ressentis. Les suintements. Et l'intime conviction, que j'étais moi-même le secret. |
« Quand le secret se révèle,
on a l’impression de découvrir quelque chose d’inouï et en même temps de l’avoir toujours su. » Ph. Grimbert |
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