PAULINE

Lorsque nous nous rencontrons pour la première fois après avoir échangé quelques mots sur Instagram, Pauline et moi nous retrouvons dans une brasserie à l'heure du déjeuner. Pas de bol, on veut seulement boire un café. C'est comme ça que l'on nous place dehors, entre une vitre sale et les passants pressés qui déambulent à quelques centimètres de nous, dans une rue encombrée par la circulation. Pas idéal pour parler de Bande de Bâtards...

Tant pis, nous avons beaucoup de choses à nous dire, et si l'on sait pourquoi on se rencontre, ça reste difficile de faire le premier pas. J'ai dû me lancer en tentant de sourire un peu trop, et puis Pauline a enchaîné en parlant un peu trop vite: mais en quelques phrases, c'était parti, comme si on se connaissait déjà. C'est toujours pareil, cette impression de retrouver un parent éloigné, avec lequel on se trouve beaucoup de points communs.  

Voilà son histoire, et son dénouement tellement incroyable que j'en souris encore en l'écrivant. Je vous présente Pauline, et vous confie son histoire...

Mon histoire est particulière, étonnante. Elle se déroule en deux parties, mais la plus incroyable, c'est la deuxième.

J'ai compris que je n'étais pas la fille de mon père il y a quelques années: j'ai eu des doutes après avoir surpris une conversation sur les groupes sanguins entre deux de mes collègues, et je suis allée interroger ma mère. Je devais "savoir" quelque chose inconsciemment, puisque sa réponse ne m'a pas vraiment surprise.

Très simplement, presque avec légèreté, elle m'a avoué que, n'arrivant pas à avoir d'enfant avec mon père, elle en avait fait un avec un autre homme. Sans se souvenir de grand-chose et surtout pas de son nom.

"Et puis à l'époque, il n'y avait pas de portables, alors..."

Et puis voilà, ça a été tout.
On n'allait pas en parler non plus, d'ailleurs elle ne voyait pas où pouvait être le problème. Après tout, j'avais une famille, j'étais en bonne santé, tout allait bien dans ma vie.

Alors j'ai laissé cette histoire de côté, qu'est-ce que je pouvais faire d'autre? Et puis... elle n'avait pas tort, au fond. J'avais ma réponse, mais il était inutile d'en parler à mon père. Mes parents étaient divorcés, ça n'aurait vraiment servi à rien. Je devais me taire. Voilà ce que je me suis dit, voilà ce que ma mère m'a fait comprendre, voilà, comment j'ai décidé de ne rien faire.

Tout aurait pu rester comme ça. J'aurais peut-être eu quelques inquiétudes, des interrogations, mais rien de grave au fond.

Sauf qu'il y a un an, en 2017, il s'est passé quelque chose qui a changé ma vie. Un matin, je reçois un message d'une jeune fille, qui m'écrit pour me demander de lui confirmer le prénom de ma mère. Je ne la connais pas, et pourtant son visage sur ce profil Facebook, c'est presque le mien.

La ressemblance entre nous deux est frappante.

Il suffit de quelques heures à peine pour que la journée bascule, c'est limpide et fou à la fois: ma famille biologique m'a retrouvée. Ils ne m'ont pas découverte par hasard, ils m'ont cherchée, par tous les moyens. Mon père biologique était persuadé qu'il pouvait me retrouver et sa femme et sa fille ont tout fait pour que nous nous rencontrions.

J'ai découvert une seconde famille, qui m'a accueillie à bras ouverts, dans laquelle j'existe à chaque instant. Ma mère est heureuse pour moi, mais refuse toujours que j'en parle à mon père.

​L'impression de mener une double vie ne me quitte pas, mais comment préserver l'équilibre? Continuer à garder le secret de ma mère? Ou le révéler en espérant recoller les morceaux de mes origines?

Je tente de maintenir les liens avec tout le monde comme je le peux. Mais je n'oublie pas que je porte en moi l'histoire d'un secret qui ne m'appartient pas.