stéphanieStéphanie souhaite témoigner pour raconter l'histoire de sa maman. C'est une question de transmission, d'une fille à sa mère tout d'abord, et aussi d'une mère à ses propres enfants, pour que les vérités soient partagées, qu'elles existent sans le poids des non-dits.
En partageant ce parcours Stéphanie remet les figures féminines de sa famille à leur juste place, pour redessiner un arbre généalogique dans lequel ses enfants pourront s'enraciner et grandir sereinement, libérés des noeuds familiaux et transgénérationnels. J'ai été émue en écoutant ces histoire de femmes à qui on a souvent refusé le droit d'être heureuses et libres de décider. En se réconciliant avec ce passé-là, on peut enfin le laisser à sa place, et envisager l'avenir sous un nouveau jour, plus lumineux, pour transmettre aux enfants des générations suivantes la douceur d'une histoire apaisée, dans laquelle ils se sentiront libres de puiser leur force de vie. |
Ma mère a appris qu'elle n'était pas l'enfant de son père au moment de son mariage, lorsque la mairie a eu des difficultés pour retrouver son acte de naissance avec filiation.
Sa grand-mère, qui l’avait élevée, a alors été contrainte de lui révéler qu'elle n'était pas la fille biologique de celui dont elle portait le nom. "Tu n'es pas une Delagarde." Voilà ce qu’elle apprend. Son nom n’est pas son nom. L’histoire de ma mère, c’est celle d’un double secret, dévoilé en deux temps : après avoir découvert celui-ci à 22 ans, elle apprendra à près de 50 ans que de cette union clandestine, est née une autre fille, Pierrette, qui la contactera en lui confiant qu’elle a passé sa vie à la chercher. Pierrette, comme le second prénom de ma mère, comme un écho à la vérité qui fait tout pour percer. Après la naissance de sa fille, et contrainte de partir travailler à Paris, ma grand-mère confie le bébé à sa propre mère, qui grandit entourée de ses oncles et de ses tantes, à la campagne. Lorsqu’elle se marie avec Martial, rencontré quelques temps plus tard, celui-ci adopte officiellement ma mère, mais celle-ci ne connaît toujours rien de sa véritable histoire et surtout pas l’existence de sa sœur biologique placée à la DDASS, Martial n’ayant pas les moyens d’adopter les deux filles. Ma mère ne sait rien et pourtant tout le monde semble être au courant. À l'école, elle est souvent moquée et a interdiction de jouer avec certaines petites filles. On l'appelle « la bâtarde ». Des rumeurs circulent, dans la famille, on lui dit qu’elle serait la fille du boucher. Quand ma grand-mère meurt à 36 ans, elle laisse derrière elle sa fille et le fils né de son union avec Martial. Ma mère ne vivra jamais avec son père et son demi-frère, elle sera élevée jusqu’à ses 15 ans par sa grand-mère, qu'elle appelle la petite mémé et avec laquelle elle aura une relation très forte, jusqu’à ce qu’elle parte elle aussi à Paris, et y rencontre mon père. Ils auront trois filles, mais leur couple sera un échec. Après leur divorce, je cesserai de voir mon père régulièrement, comme si on reproduisait un schéma inconscient. Ma mère n’a pas eu de père, le mien aura été un grand absent. Je ne sais pas ce que le secret fait, mais je sais que la lignée des femmes de ma famille, ma grand-mère, ma mère, ma sœur aînée, ont souffert de ne pas toujours avoir le choix. Je veux libérer la parole, pour que nous soyons tout simplement heureuses. Je le dois à ma mère, je le dois à mes filles. Je me le dois à moi, aussi. |
« Quand le secret se révèle,
on a l’impression de découvrir quelque chose d’inouï et en même temps de l’avoir toujours su. » Ph. Grimbert |
|
© 2016-2022 BANDE DE BATARDS - ALL RIGHTS RESERVED.